05 décembre 2025
« Souvenez-vous l’été dernier »
A quelques jours de l’ultime décision relative aux taux directeurs de la FED pour l’exercice en cours (10 décembre), le scénario des dernières semaines de l’année semble largement écrit. Entre sorties médiatiques « dowish » des influents John Williams (Gouverneur de la FED de New-York) et Christopher Waller (longtemps considéré comme l’un des favoris pour diriger l’institution en lieu et place de Jerome Powell), accumulation, ‘par-delà les nappes de brouillard laissées par le Shutdown, de données macroéconomiques en berne (PMI manufacturier, ventes de détails et indice de confiance des consommateurs) et rumeurs pressantes de la nomination d’un très zélé courtisan du locataire de la Maison blanche (en la personne de Kévin Hasset) comme dauphin du Président de la FED, le sens de l’imminente décision des banquiers centraux américains ne fait plus guère de doute pour l’écrasante majorité des investisseurs. Et avec elle, le sens du marché pour les dernières semaines de l’année 2025.
Fidèle au navrant mantra « Toute mauvaise nouvelle est une bonne nouvelle », le S&P 500 (entraînant avec lui, non seulement une part non négligeable des indices actions mondiaux, mais, plus directement pour nous le X-Over) a atteint récemment de nouveaux sommets (cf. graphiques ci-dessous).

Sources : Bloomberg, Amplegest

Sources : Bloomberg, Amplegest
Peu importe que le caractère « Bull » de cette décision pour les primes de l’ensemble des classes d’actifs dites risquées soit plus qu’éminemment discutable :
- non seulement dans la mesure où une baisse des taux courts de 25 pb ne saurait impacter que très marginalement les valorisations d’entreprises ;
- ou sachant qu’elle n’emporte aucune conséquence sur leurs revenus/profits futurs qui le seront bien davantage si le ralentissement économique des Etats-Unis (moteur de la croissance mondiale) venait à persister ou que prenaient corps en son sein des risques de stagflation ;
- et plus largement sachant qu’elle ne dit rien sur la trajectoire à venir des taux aux Etats-Unis (indépendamment même de la politisation du prochain Président de la FED), et moins encore (évidemment) sur celle des taux européens.
Le chemin est tracé…
Certes, les marchés du crédit commencent à montrer quelques signes, sinon de franche nervosité, du moins de lassitude (cf. graphique ci-dessous).

Sources : Bloomberg, Amplegest
La volatilité sur les taux semble loin de devoir s’apaiser. Certes, certains esprits chagrins, parmi lesquels Pablo Hernández de Cos, ancien Gouverneur de la Banque d’Espagne, aujourd’hui Directeur général de la Banque internationale des Règlements (Bâle) a récemment souligné les risques que, entre autres, l’accroissement des dettes publiques dans un environnement dans lequel le poids des intermédiaires financiers classiques est en recul, est susceptible de générer pour la stabilité financière mondiale… Mais, ces risques sont bien trop diffus pour qu’ils soient susceptibles de faire dérailler l’optimisme des investisseurs… Le scénario de fin d’année est d’autant plus sûrement écrit, qu’il est ancré (sur la classe crédit comme sur d’autres classe d’actifs risqués, dans des flux de collecte solides) … La fin de l’année sera « Bull » ou ne sera pas… A moins que…
Souvenons-nous l’été dernier… Ou plutôt l’été 2024, ce jour de juillet où la très lointaine Banque du Japon a décidé de remonter ses taux… entraînant des remous sur l’ensemble des marchés mondiaux, depuis la seconde plus grande correction journalière des marchés equity de l’histoire jusqu’à, +46 pb pour le X-Over, +21pb pour l’indice FinSub. Et rappelant par là-même l’importance du (Yen) Carry trade dans les flux financiers mondiaux, et la position particulière de créancier du monde occupée par l’archipel nippon.
Le 1er décembre, Kazuo Ueda, Gouverneur de la Banque du Japon a, dans une allocution, suffisamment modifié son langage pour que les spécialistes y voient une volonté de préparer les marchés à une (potentielle) remontée des taux avant la fin de cette année, ou plus exactement le 19 décembre prochain. Ce qui pour l’heure n’a provoqué que de très légers remous sur les marchés…
Rien ne semble une fois encore devoir faire dérailler l’optimisme (quelque fois mâtiné de prudence) des investisseurs, pas même la vacuité de certains de leurs arguments en faveur de l’exceptionnalité de l’épisode estival de 2024, par lesquels le fait que les règles d’investissement du Fonds gouvernemental de Pension lui imposent de détenir 25% de son portefeuille en actifs étrangers (des règles largement suivies par les investisseurs institutionnels locaux) figure en bonne place.
Si nous nous garderons bien de hurler au loup ou de jouer les Cassandre, n’oublions pas de relever ici :
- que la remontée des taux japonais dans un contexte de baisse plus que certaine (à en croire les oracles) des taux US, risque de réduire considérablement l’intérêt des positions construites sur la base de ce carry trade… Et que si la volatilité du Yen est susceptible de plaider pour leur maintien, la devise nippone est loin d’être la seule à avoir souffert sur les marchés des changes en 2025 ;

Sources : Bloomberg, Amplegest
- qu’indépendamment même de la taille de ces positions de Carry trade (dont les estimations varient de plusieurs centaines de milliards à plusieurs trilliards d’USD) ou du fait que les investisseurs spéculatifs soient déjà, a en croire certaines sources, largement exposés au Yen, la décision de la BoJ interviendra dans un contexte, non seulement semblable aux environnements estivaux où s’éclaircissent dangereu-sement les desks de trading, mais dans lesquels les niveaux de primes de risques sont globalement serrés…
- qu’en conséquence, nous avons choisi de maintenir l’ensemble des positions de couverture en place sur nos fonds flexibles pour les semaines à venir…
Souvenons-nous l’été dernier…
Mathieu CRON
