12 septembre 2025
Aller plus haut ? Comment performer encore…
« La France rejoint la « périphérie » de l’Eurozone à mesure que le tumulte s’accroît » titrait le Financial Times au lendemain de la chute du gouvernement de François Bayrou, alors que les taux d’emprunt du pays dépassaient ceux de l’Italie et de la Grèce (cf. graphique ci-dessous).
Sources : Bloomberg, Amplegest
Que nos lecteurs se rassurent, le propos de cet hebdo ne tiendra pas dans un n-ième commentaire de la dérive politico-économique de notre pays. Mais il se trouve que cette nouvelle péripétie a permis d’offrir une belle illustration au propos central de notre présentation de rentrée qui s’est tenue au Bristol le 10 septembre. Alors que les spreads du souverain hexagonal connaissaient de nouveaux sommets, les spreads des corporates & financières français ont été à peine perturbés dans leur resserrement par le drame politique en cours (cf. graphique ci-dessous). Et ce alors même que les institutions financières sont structurellement liées à leur souverain et que leurs états financiers souffriront de la traduction financière de cette réalité politico-économique.
Sources : IHS Markit, Natixis, Amplegest
Le constat est partout le même et parfaitement reflété dans les performances de chacun des segments de la classe d’actifs crédit depuis le début de cette année 2025. Les taux ont cristallisé l’ensemble des doutes et des inquiétudes des marchés depuis le début de l’année, les spreads de crédit ayant poursuivi pour leur part, leur chemin de resserrement jusqu’à atteindre récemment, sur certaines catégories de risque ou segments, des plus bas historiques – et ce alors même qu’ils sont censés rémunérer le surcroît de risque pris par un investisseur à se positionner sur une entité privée spécifique plutôt qu’un souverain – ou comment, les souverains, victimes d’une addiction de plus en plus généralisée au(x) déficit(s) (dans un récent entretien Gita Gopinath, directrice générale déléguée du FMI rappelait que la dette publique représentait en 2024 92% du PIB mondial, quand elle n’en représentait que 65% en 2000) semblent avoir perdu leur position de « valeur refuge. Et surtout, alors que l’environnement de risque global dans lequel opèrent les marchés a connu des bouleversements majeurs au cours des derniers mois.
Loin de nous l’idée de crier à l’imminence d’un cataclysme, (Cassandre elle-même a mal fini), mais il ne nous est pas possible de balayer l’importance de ces changements, dont la majeure partie, sans verser dans un culte de la personnalité dont le personnage est friand, est à relier au retour à la Maison blanche de D. Trump, et sa volonté d’inscrire son second mandat dans les pas du 25ème président des Etats-Unis, William McKinley « pape du protectionnisme », et d’user, ad nauseam de l’arme commerciale dans la conduite de sa politique, et jusqu’à remonter, pour l’heure, le niveau moyen de droits de douane à l’entrée des Etats-Unis à un niveau de 17.4%. Un changement paradigmatique qui n’a pour l’heure provoqué qu’un passager haut le cœur des marchés autour du bien mal nommé « Liberation Day », les investisseurs ayant rapidement trouvé moults arguments pour justifier leur indolence face à l’événement – depuis la signature d’un « accord » (qui dans les faits n’est qu’un vague mémorandum) entre le président D. Trump et la présidente Van der Leyen, des décisions de justice récentes invalidant la base juridique des « executive orders » relatifs à 71% de ces relèvements de droits de douane (alors que leur invalidation par la Cour Suprême elle-même ne serait pas synonyme de leur disparition), jusqu’à l’argument de leur quasi innocuité sur la trajectoire économique des Etats-Unis et partant de l’économie mondiale.
Un dernier argument progressivement invalidé, non seulement par l’ensemble des témoins d’inflation outre-Atlantique, mais également par la décélération du marché de l’emploi dont témoignent les derniers « Non-Farm Payrolls » du mois d’août – une décélération largement imputable aux secteurs les plus directement impactés par l’érection du mur douanier. Deux éléments, couplés aux effets négatifs de la réforme fiscale voulue par l’administration américaine parce qu’ils pointent vers une tension croissante des revenus disponibles des ménages, ouvrent sur une déviation de la trajectoire économique américaine. Des ratés du « moteur » de la croissance mondiale que ni la zone euro, au sein de laquelle les dispersions sectorielles (selon leur degré d’ouverture et de dépendance aux échanges) et nationales devraient encore s’accentuer, ni les géants asiatiques ne devraient être en mesure de compenser.
S’ajoute à cette première série de risques, ceux pesant sur la lisibilité des trajectoires des politiques monétaires à l’heure où l’indépendance des Banques centrales est de plus en plus attaquée (sans que, au mépris de l’histoire, cela ne provoque quelque émoi des marchés) ou les mutations profondes des équilibres géopolitiques mondiaux induits par le virage profond de la politique étrangère américaine.
Comme le résume parfaitement le graphique ci-dessous, alors que l’essentiel des indices d’incertitude économique et géopolitique existants pointent vers une dégradation de la situation, les spreads de crédits semblent poursuivre imperturbablement leur trajectoire.
Sources : Bloomberg, Amplegest
Bien que l’explication à ce phénomène soit claire - elle tient à la solidité des flux de capitaux entrants sur la classe d’actifs crédit, et que rien ne semble indiquer que ce regain d’intérêt pour la classe d’actifs doive se retourner rapidement – notamment entre fondamentaux globalement sains et rendements toujours favorables en comparaison à ceux offerts par les actions ou l’immobilier - cette situation de resserrement généralisé des spreads ne nous paraît pas soutenable à court moyen terme. La volatilité des spreads devrait en d’autres termes bientôt s’ajouter à la volatilité aujourd’hui classique des taux. Et l’évolution des spreads depuis la fin de la trêve estivale – avec les timides mouvements de décompression qu’elle met en évidence (cf. graphiques ci-dessous), semble indiquer que ce « bientôt » mérite d’être envisagé dans le sens le plus strict.
Sources : IHS Markit, Natixis, Amplegest
Sources : IHS Markit, Natixis, Amplegest
Fort de ces convictions, nous avons positionné les fonds flexibles OCTO afin qu’ils puissent tirer profit de toutes les opportunités que ce regain de volatilité ne saurait manquer de voir naître. Fidèles à notre ADN « Value », ne prenant des risques que dès lors qu’ils sont supérieurement rémunérés par rapport aux fondamentaux auxquels ils se rapportent, nous avons préservé notre capacité à déployer du risque lorsque de telles fenêtres s’ouvriront, et nous avons gardé en place une couverture dérivée (via des indices iTraxx), considérant qu’aux niveaux actuels, l’asymétrie de risque jouait en notre faveur. Ce d’autant plus d’ailleurs que les fins d’année voient traditionnellement de nombreuses gestions entrer dans ce type de contrats afin de protéger les performances réalisées.
S’il n’est pas certain, pour reprendre le titre de notre présentation, que les marchés (en tous cas via les spreads), puissent aller bien plus haut, le potentiel de performance de nos fonds nous semble, lui, préservé à l’aube du dernier trimestre de l’exercice 2025.
Mathieu Cron