04 juillet 2025
Bilan obligataire du S1 2025
Alors que se finit le premier semestre 2025 et qu’arrive notre traditionnel hebdo de mi-année faisant un premier état des performances obligataires, force est de constater que les inquiétudes et perspectives du début d’année en termes d’incertitude, de volatilité et de performances moindres qu’en 2024 se sont plutôt vérifiées : le portage était moindre, les spreads étaient plus comprimés, les sujets s’amoncelaient sans se régler tant du point de vue macro que géopolitique.
Et si nous devions résumer ce semestre de performance obligataire, nous dirions que la tendance de 2023 et 2024 s’est poursuivie mais montre un essoufflement qui devrait s’accentuer encore dans les mois à venir, tant les primes se compriment :
- Les catégories les plus risquées en termes de risque de crédit (High Yield et subordonnées financières) ont encore largement surperformé les catégories les moins risquées (Govies et Investment Grade) (cf graphe 1)
- La composante « taux » a encore été source de la plus forte volatilité, sans que le portage ne suffise pour l’absorber à horizon de ces quelques mois. (cf graphe 1)
- Si la composante crédit suffisait à absorber quasiment tous les chocs entre 2023 et 2024, ce n’est plus le cas aujourd’hui en raison des spreads plus serrés (cf graphe 2) et de l’ampleur de l’incertitude (graphes 3-4-5) jamais égalée y compris durant la phase de CoViD, qui offrait au contraire, en termes de politique, de trajectoire monétaire et de cohésion mondiale une certaine visibilité.
Graphe 1 :
Graphe 2 :Graphe 3 :
Graphe 4 :Graphe 5 :
Source : Amplegest, Bloomberg
Incertitude oblige donc, et taux monétaires ultra court terme refluant, les flux des investisseurs sur le semestre écoulé semblent s’être dirigés prioritairement sur la classe d’actifs obligataire comme en témoigne le graphe 6 établi par les équipes de JP Morgan, tandis que les actions ont plutôt subi une décollecte en particulier sur la gestion active, "drivée", sans doute, par les inquiétudes sur le commerce mondial et la croissance comme le montre le graphe 7 (source : Société Générale) :
Graphe 6:
Graphe 7 :
Flux massifs sur l’obligataire donc qui se sont combinés entre le marché secondaire, dont les primes se sont resserrées, et le marché primaire, en particulier le segment High Yield, qui a battu des records d’émissions notamment sur la fin du semestre (cf graphe 8). Phénomène qui relève d’une certaine logique mais qui doit être surveillé avec une grande précaution, plus les taux et les primes de crédit baissent, plus la « chasse au rendement » devient la norme et plus les primes des catégories et des émetteurs les plus dégradés se resserrent… Nous pensons que nous entrons dans ce type de phase actuellement et qu’il est préférable de ne pas y céder pour deux raisons :
- La qualité des entreprises a plutôt tendance à, au mieux se stabiliser, sinon se dégrader, ce qui n'est pas cohérent avec des rémunérations plus basses.
- Les banques centrales ne sont pas si accommodantes qu’elles l’étaient entre 2015 et 2021, ni en termes de taux d’intérêt, ni en termes d’achats d’actifs (cf graphe 9 : bilan de la BCE)
Ces flux obligataires sont plus un pis-aller vis-à-vis des autres classes d’actifs qu’une véritable opportunité en soi et il n’y a clairement plus de place pour un resserrement complémentaire significatif des spreads de crédit : les deux issues, regain d’optimisme ou accentuation du pessimisme, nous sembleraient donc plutôt négatif ou neutre pour la prise de risque obligataire complémentaire.
Graphe 8 : Émissions High Yield au 1er semestre de chaque année
Graph 9 :
Source : Amplegest, Bloomberrg
En conclusion, nous continuons de privilégier la prudence pour ce début d’été en privilégiant des durations courtes à intermédiaires, une qualité de crédit moyenne entre BB et BBB, une poche de trésorerie de quelques pourcents pour parer à / ou profiter de potentielles phases d’illiquidité qui peuvent survenir aisément durant la trêve estivale. Nous évitons la plupart des émissions primaires qui sont clairement plus une opportunité pour les émetteurs que pour les investisseurs et préférons toujours les financières européennes aux corporates car leur différentiel de rendement vis-à-vis des corporates reste encore légèrement favorable, tandis que leur qualité de crédit nous semble plus solide et plus stable du fait de la pression réglementaire en Zone euro (attention aux banques américaines) et des taux plus élevés favorisant les comptes de résultats à moindre risque.
Matthieu BAILLY