Publié le 06 septembre 2017
06 septembre 2017
La descente aux Enfers de Tesco : Ou comment l’absence de barrières à l’entrée peut vous ruiner !

Pour cette seconde lettre du pricing power j’ai voulu m’arrêter sur un cas concret qui illustre bien le risque que certaines sociétés, qui ne font pas partie de l’univers du fonds, peuvent faire courir à l’investisseur dans ce contexte de guerre des prix.
TESCO, leader britannique de la grande distribution reconnait ces jours-ci avoir gonflé ses résultats du premier semestre pour un montant proche de 250 millions de sterlings. Quatre membres du board ont été suspendus et la publication des résultats a été reportée du 1er au 23 octobre, après l’arrivée d’’un nouveau dirigeant (Dave Lewis ex Unilever). Une vraie situation de crise pour ce leader britannique de la grande distribution. Après deux profit warnings, la chute du cours de l’ex-vedette européenne du secteur s’accentuait pour atteindre 47% depuis le début de l’année, et le dividende intérimaire a été réduit de 75 %. Le bénéfice net par action aura baissé de 33% entre 2013 et 2015. Comment en est-on arrivé là ? Depuis maintenant deux ans, le groupe connait une forte chute de son activité, à l’instar d’un secteur sous pression en raison d’une guerre des prix comme on n’en a pas vu depuis quarante ans. TESCO, ASDA, SAINSBURY, ou MORRISSON, sont touchés à divers degrés du fait de changements d’habitudes du consommateur et d’une concurrence vive des discounters. En Europe, le secteur est également en difficulté croissante année après année. En Allemagne les « discounters » dominent depuis la seconde guerre mondiale. En France, des dirigeants comme Serge Papin chez « SYSTEME U », soulignent que le niveau de la guerre des prix est tout simplement destructeur puisqu’on est dans une mécanique d’auto entretien de la baisse des prix avec des consommateurs qui ne reviennent pas en dépit des réductions de prix (demain, je payerai encore moins cher). On voit déjà les conséquences sur l’emploi, alors que le secteur avait toujours été contributeur. Aujourd’hui des plans de licenciement chez les grands noms ont été annoncés. Alors, dans un secteur globalement en difficulté, pourquoi s’intéresser au cas « TESCO » ? Il est très instructif de constater que la situation du leader local se dégrade alors même que le pays retrouve une croissance forte, de l’ordre de 3,2% annualisée d’après les chiffres du T2. Le consommateur, qui a pris l’habitude de négocier dans une économie où les salaires sont souvent gelés, sélectionne son fournisseur, son centre commercial, en fonction des prix pratiqués. Il faut en déduire qu’au-delà des cycles économiques, la composante « confiance du consommateur », si elle évolue positivement, ne profite plus à tous les secteurs. Les réflexes acquis de comparaison, de négociation, d’obtention de rabais sont bels et bien établis. A-t-on touché un point bas ? Nous ne le pensons pas. On peut d’une part imaginer la situation de ce secteur en Grande-Bretagne, et de Tesco en particulier, si le taux de croissance britannique avoisinait celui prévalant en Europe Continentale. D’autre part la proposition commerciale va encore évoluer vers plus de « hard discount ». En effet, le taux de pénétration de ces sociétés n’est que de 6,7% en Grande Bretagne alors qu’il est par exemple de 42% en Allemagne. De plus, MORRISSON lance pour les fêtes de fin d’année, une « loyalty card », qui garantit aux clients, sous forme de points, d’encaisser la différence, s’il y en a une, entre les prix constatés chez LIDL, ASDA, ALDI, TESCO, et SAINSBURY et les leurs. Ce genre d’initiative rend encore plus difficile la reconstitution des marges d’un acteur malade. Tout le monde aura pu noter que le moment choisi par MORRISSON pour lancer sa carte n’est pas anodin étant donné la situation de TESCO. Cet exemple est l’occasion pour nous de rappeler que dans MULTICAPS nous sélectionnons des entreprises qui ne mettent pas le doigt dans la baisse des prix car cela ne constitue en rien une barrière à l’entrée protectrice pour l’actionnaire. Il existera toujours un concurrent plus souple, mieux organisé, qui viendra se positionner de façon encore plus agressive devant la société dont les prix sont les plus bas. En conclusion, en tant qu’investisseurs, nous considérons qu’il va être très compliqué à l’avenir de créer de la valeur pour ce secteur en Grande-Bretagne. Nous évitons d’y investir et préférons nous concentrer, conformément à l’ADN du fonds, sur des secteurs et des sociétés maîtres de leurs prix.Partager cet article :