Publié le 06 septembre 2017
06 septembre 2017
L'avantage des pneumaticiens se dégonfle !

Un, puis deux, puis trois avertissements sur les résultats en quelques semaines, chez des pneumaticiens de premier rang, voilà qui ne manque pas d’interpeller. Comment expliquer une telle conjonction sectorielle ?
Sur le segment de l’entrée de gamme on constate une baisse des prix sur tous les continents. MAXXIS, société taiwanaise encore peu connue, active dans plus de 150 pays, a certainement contribué à ce mouvement en instaurant une concurrence croissante à bas prix. La société et ses 20.000 employés est présente sur tous les types de pneus, du poids lourd à la tondeuse en passant par le vélo !
On peut faire le même constat pour le haut de gamme, avec des pressions à la baisse significatives. Par exemple le chinois SAILUM sait fabriquer de manière efficace et compétitive des pneus taille basse UHP (ULTRA HAUTES PERFORMANCES), venant donc chasser sur les terres de YOKOHAMA, PIRELLI, MICHELIN ou GOOD YEAR. Comme par ailleurs les pneumaticiens occidentaux n’arrivent plus à creuser l’écart en matière de confort ou de sensations de conduite, il n’y a plus d’avantages compétitifs dignes de ce nom chez ces derniers ! Avec un tel effet prix, il est difficile de rester fidèle à une marque, aussi prestigieuse fut-elle…
Le monde automobile n’est plus aujourd’hui à un paradoxe près : des voitures aux dimensions de plus en plus généreuses, alors que nous disposons de moins en moins de place, des moteurs de plus en plus puissants alors que les limitations de vitesse sont de plus en plus contraignantes et enfin, des pneus tourisme de plus en plus larges et d’avantage consommateurs en essence et en caoutchouc que des pneus ordinaires.
Toute la problématique actuelle réside dans ce paradoxe : le pneumatique haut de gamme n’est pas plus sûr que le moyen ou bas de gamme. Il est juste plus performant pour les hautes vitesses. Où est donc la logique de payer plus cher des pneus adaptés à des vitesses dépassant largement les limites autorisées ? Les pneumaticiens ne se trompent-ils pas en misant sur ce type de pneus pour augmenter le « mix produit » et leurs marges futures ? Les acteurs chinois ont bien compris qu’aujourd’hui l’image taille basse est suffisante pour le client, indépendamment de la qualité qui ne serait pas tout à fait au niveau de celle des grands acteurs du secteur (mais surtout à des vitesses aujourd’hui interdites).
Dans le même temps les équipementiers–électroniciens ont généré de la valeur ajoutée en investissant dans des domaines tels que la pollution, la vision nocturne, le silence, la climatisation ou la réduction de la consommation. La priorité va à l’amélioration des conditions de conduite et non pas à l’augmentation de la vitesse. Ces sociétés peuvent dés lors créer des barrières à l’entrée et donc du pricing power. Aujourd’hui la production mondiale de véhicules augmente de 3 à 4% en rythme annuel, contre 1,5% pour les pneumatiques. Les électroniciens choisissent, les pneumaticiens subissent…
Il reste pour une société comme Michelin des marges importantes sur les pneus poids lourds, ou sur des créneaux techniques comme des pneus de 4 mètres de haut pour des engins qui évoluent dans des mines à ciel ouvert. L’avantage demeure également pour les activités de seconde monte. Mais il est incontestable qu’une brèche a été ouverte par les chinois, qui produisent aujourd’hui 400 millions de pneumatiques par an et en exportent la moitié. Les chinois pratiquent par ailleurs un dumping important aux USA, entraînant l’instauration de droits de douane. La conséquence probable d’ici à quelques trimestres sera une nouvelle vague d’invendus en Amérique, qui inondera l’Europe en accentuant le problème de base. MICHELIN va tenter de s’adapter en augmentant la part de ses marques bas de gamme (KLEBER, TIGAR ou RIKEN), pour les faire passer de 17% aujourd’hui à 25-30% d’ici à 10 ans. C’est le début de la fin du relatif PRICING-POWER qu’avait ce dossier à nos yeux… Un parallèle peut être fait avec le groupe Renault dans l’automobile, mais sans les marges de Logan pour son bas de gamme.
Après ALSTOM, ALCATEL et bien d’autres, MICHELIN va vivre la montée en puissance de ce « pays-continent » dans son paysage compétitif alors que son agilité en termes d’adaptation de l’outil industriel français est très faible. L’objectif de 3% de croissance des ventes ne sera surement pas atteint. Il y a aujourd’hui une urgence à recréer une barrière à l’entrée forte, source de PRICING POWER, sous peine d’être marginalisé dans 10 ans. Le raisonnement est le même pour les autres grands pneumaticiens du moment.
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