07 décembre 2022
Avez-vous pris la température de votre portefeuille ?
Les Accords de Paris, signés en 2015 lors de la COP 21, ont posé les principaux objectifs de la lutte contre le changement climatique. Parmi ceux-ci : limiter l’augmentation de la température mondiale à 1,5°C par rapport à la période 1850-1900. Une cible désormais au centre des préoccupations, tant les leviers d’actions sont nombreux et nécessaires pour intervenir sur toutes les sources d’émissions qui contribuent au réchauffement. Mais si l’on songe souvent à des actions directes, il ne faut pas oublier de passer les actifs financiers au thermomètre.
Endiguer le réchauffement climatique à 1,5°C : un défi de taille
Limiter le réchauffement climatique à un niveau bien inférieur à 2 degrés, de préférence 1,5 degrés, demande des moyens considérables, tant pour sa mesure que pour le contrôle des solutions mises en œuvre.
Pour atteindre cet objectif, le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) estime que les émissions de gaz à effet de serre doivent être réduites de près de 50% d’ici 2030 et de 80% d’ici 2040 par rapport à 2019. Pour cela, l’ensemble des gaz à effet de serre sont à prendre en compte : le dioxyde de carbone, le méthane, le protoxyde d’azote, etc.
Cet effort sans précédent implique une multitude d’acteurs qu’il s’agit encore de fédérer.
•Les Etats, d’abord, et notamment les 196 pays ayant signé les Accords de Paris et qui se sont engagés à rendre compte de leurs émissions et de leurs efforts de mise en œuvre à un rythme régulier.
•Les entreprises, qui doivent se mobiliser en nombre et de façon concrète. A titre d’exemple, Saint Gobain a récemment annoncé être sur une trajectoire climatique en ligne avec les Accords de Paris, cette trajectoire ayant été validée par un organisme indépendant : la SBTI (Science-Based Target Initiative). Dans les faits, le groupe s’est engagé à réduire les émissions absolues de gaz à effet de serre issues de ses Scopes 1 & 2 de 33% (ses émissions propres) et celles de son Scope 3 de 16% (les émissions indirectes, fournisseurs et clients) d’ici 2030 comparé à 2017. A titre de comparaison, 65% des valeurs du CAC 40 ont une trajectoire climatique certifiée par la SBTI (voir en annexe).
•Enfin, le rôle des gestionnaires d’actifs n’est pas à négliger. Il est dans l’esprit des Accords de Paris d’associer tous les intervenants dans la réduction des émissions. Ces derniers doivent impérativement accroître les flux financiers vers la transition écologique et mesurer la trajectoire climatique de leurs portefeuilles. C’est là le seul moyen d’avoir une action ciblée, de manière à désinvestir des actifs directement corrélés au réchauffement climatique et à équilibrer des portefeuilles qui peuvent être ambigus au regard de ces engagements. Autrement dit, prendre la température des portefeuilles, en imputant à chaque actif son impact propre !
La nécessaire mesure des trajectoires climatiques
La mesure de la trajectoire climatique d’un portefeuille peut sembler saugrenue, dès lors qu’un portefeuille d’actifs financiers n’émet pas de CO2 ni de méthane en propre… contrairement aux sociétés qui constituent les sous-jacents du portefeuille !
La mesure de la trajectoire climatique d’un portefeuille est en fait tout à la fois simple et complexe. Elle repose sur la mesure des trajectoires individuelles de chaque société composant un portefeuille, que l’on multiplie par sa pondération dans le portefeuille. Sans oublier de retraiter les interactions des sociétés entre elles pour éviter une comptabilisation double des mêmes émissions.
Ces ajustements sont pour l’essentiel réalisés par des cabinets indépendants, les sociétés de gestion n’ayant que rarement les moyens techniques et humains nécessaires. Ce qui représente une nouvelle barrière à dépasser : il est nécessaire de former ces talents spécifiques, et d’effectuer des investissements majeurs.
En 2021, 44% des sociétés de gestion de portefeuilles avaient recours à la température du portefeuille pour mesurer et suivre les trajectoires climatiques des entreprises*. Une part non-négligeable, encore qu’amenée à s’accroître. En France, la société Carbon 4 Finance accompagne nombre de grands groupes sur cette voie, et aide à comparer la température des différents fonds d’investissement avec la moyenne du marché. A titre indicatif, la trajectoire climatique du marché européen est estimée à 2.8°C, et celle de l’indice composé des principales valeurs mondiales est de 3.5°C, encore loin de l’objectif des Accords de Paris. Il nous reste du chemin à faire !
L’amélioration de ces performances passera nécessairement par plus d’assiduité dans la mesure des émissions, et par l’identification des fonds à redresser. Les gestionnaires d’actifs peuvent en tirer parti en proposant d’eux-mêmes une évaluation des trajectoires de leurs fonds, et en jouant la carte de la rigueur scientifique et de la transparence. Le concept de « température des portefeuilles » est donc appelé à prendre une importance croissante afin de structurer la lutte contre les risques climatiques, pour peu que l’on en harmonise les modes de mesure.
Annexe : le CAC 40 et la SBTI**
Sociétés validées par la SBTI |
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Sociétés sans engagement |
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Engie |
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2°C d'ici 2030 |
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Axa |
Michelin |
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2°C d'ici 2030 |
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BNP Paribas |
Danone |
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2°C d'ici 2030 |
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Crédit agricole |
Stellantis |
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2°C d'ici 2034 |
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Thales |
Air liquide |
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<2°C d'ici 2035 |
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Vivendi |
Veolia environnement |
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<2°C d'ici 2034 |
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Bouygues |
Vinci |
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<2°C d'ici 2030 |
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Société générale |
Carrefour |
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<2°C d'ici 2030 |
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Airbus group |
Pernod Ricard |
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<2°C d'ici 2030 |
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Arcelormittal |
Teleperformance |
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<2°C d'ici 2026 |
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Safran |
Renault |
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<2°C d'ici 2030 |
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Essilorluxottica |
Schneider Electric |
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1,5°C d'ici 2030 |
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Eurofins scientific |
Saint-Gobain |
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1,5°C d'ici 2050 |
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Totalenergies |
Unibail-Rodamco-Westfield |
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1,5°C d'ici 2030 |
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Alstom |
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1,5°C d'ici 2025 |
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Dassault systèmes |
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1,5°C d’ici 2027 |
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Legrand |
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1,5°C d'ici 2030 |
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Hermès international |
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1,5°C d'ici 2030 |
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L'Oréal |
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1,5°C d'ici 2025 |
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LVMH |
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1,5°C d'ici 2026 |
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Orange |
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1,5°C d'ici 2025 |
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Stmicroelectronics |
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1,5°C d'ici 2025 |
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Sanofi |
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1,5°C d'ici 2030 |
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Kering |
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1,5°C d'ici 2030 |
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Publicis |
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1,5°C d'ici 2030 |
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Capgemini |
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1,5°C d'ici 2030 |
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Worldline |
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1,5°C d'ici 2025 |
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